Oui, je vais devenir la reine de la glandouille. Alerte, les sens en éveil, le museau humide, je m’en vais avec des compagnons de misère squatter les cafés de Casa.
Ce matin, je suis partie avec mon ex recyclé en ami prendre le petit déjeuner à la villa Zévaco. Le petit déjeuner un jour férié. J’émerge d’une demi-gueule de bois. J’essaye de profiter des rares rayons de soleil, en écoutant le babil de l’ex, modèle d’un recyclage réussi. Entre le khlii revisité et le jus d’orange « frais », je m’appliquait à regarder et répertorier la faune environnante.
D’abord, il y a les nymphettes. La mine quelque peu défaite, telle la rose du petit prince, elles ne s’étaient pas assez pomponnées, elles avaient les pétales un peu fripées de celles qui ont trop dormi. Première sortie post-ramadan.
Et puis, il y avait les brushinguées du dimanche matin et celles qui puent encore la cigarette de la veille avec leur jogging rose bonbon à boucles d’oreilles assorties, leurs baskets qui n’ont jamais vu de poussière, la deuxième catégorie quoi. « douziame » dial les mutantes, comme ont dirait à derb ghellef.
Devant nous un couple à poussette se regardait sans se voir. Le bébé braillait. La mère avait le ventre plat propre au mutantes qui viennent de se reproduire. Elle regardait son rejeton avec dédain. Il bavait. C’était pas prévu ça. Le mari avait cet air empâté de l’homme domestiqué. Un gros chat castré…
et puis les célibataires mâles qui affichaient cet air serein de lions bien repus. De la meuf, il y a en avait partout, pour tous les goûts… de toute évidence, les jeunes matous n’étaient pas d’humeur à mater ce matin.
J’ai dû me résoudre à rentrer à la maison donner quelque instructions à la femme de ménage pour ressortir encore une fois déjeuner avec des copines…
Là, sur une terrasse ensoleillée un bavardage de fassies encore plus saoulant. En deux heures, la nana a passé en revue toutes les fortunes de Fès et Meknès… et untel a épousé unetelle, qui se faisait passer pour la fille de X alors qu’en fait elle a fait pute dans une maison close suisse pendant 10 ans … qu’est ce que tu crois ?
A moi, qui expliquait que les mecs tombaient surtout amoureux de détails du genre une cuisse, une fesse, une clavicule, elle me réponds : « Mais tu rêves, les mecs maintenant, ça tombe amoureux d’une fiche de paie, d’une compte bien garni, d’un beau papa plein aux as… » et pendant qu’elle continuait son énumération de tout ce que je n’avais pas, je pensais « Ma pauvre vieille Mahassine, tu ne vas jamais te reproduire… les mutantes ont gagné. Tu es une espèce en voie de disparition, tu n’as pas muté, la sélection naturelle fait son œuvre … » Safi.
A ce moment là je me désintéresse de la conversation que j’avais déjà du mal à suivre tant ça puait le déjà-entendu, le rabâché réchauffé … je fixe une araignée funambule sur un des petits palmiers de la terrasse… je sens le soleil pénétrer chacun de mes pores je m’abandonne à la douce chaleur de la vie … des mots me parviennent « tous les mêmes », « rien que des obsédés », « que des salauds »… Je regarde mon araignée et je souris.